ÉTATS-UNIS : Transformer l’espoir en révolte
Les incertitudes sont nombreuses aux États-Unis à la veille de l’élection présidentielle. Les programmes des candidats sont similaires sur le fond, mais une victoire d’Obama, si elle a lieu, devrait faire face à un profond espoir de changement.
Les guerres traînent et ont fini par rendre le président impopulaire. Sur leurs issues, le monde politique institutionnel hésite et s’en tient à des formules abstraites, alors que l’insatisfaction populaire n’a pas débouché sur une revendication commune. Il y a aussi la question des conséquences de la crise financière et du logement, avec la possible récession. Les prix des biens de première nécessité augmentent vite, contrairement aux salaires et l’accès à des emplois à temps plein pour un revenu vivable reste difficile. Les politiques d’exonération d’impôt et de reflux des prestations sociales, accentuées par les deux mandats de Bush, ont renforcé les inégalités.
Les mouvements sociaux des années 2000, contre la guerre, parmi les immigrés ou dans certains syndicats, ont permis des prises de consciences, et développé de nouveaux réseaux militants, sans parvenir à changer profondément le cours des choses. Cette année d’élections générales et présidentielle marque une certaine pause dans les mobilisations.
Face à une situation très dure pour les travailleurs, les démocrates ne promettent que de revenir sur les exonérations mises en place par Bush. Bill Clinton avait déjà largement contribué à une redistribution en faveur des plus riches et on voit mal comment les annonces sur la couverture santé, l’éducation et l’économie pourraient être financées en revenant simplement au budget du précédent mandat démocrate. La stratégie démocrate se fonde sur l’impopularité de Bush et sur le ressort de l’alternance plutôt que sur une conception réellement différente de la répartition des richesses. De nombreux capitalistes misent d’ailleurs sur ce parti et comptent peser sur l’attitude du futur président.
Le républicain McCain ne part pas favori car il prend la relève de Bush, devenu très impopulaire. Mais il demeure un recours et un moyen de pression pour une politique toujours plus favorable à la bourgeoisie, a fortiori dans la crise.
La campagne est plus que jamais constituée d’une longue série de déclarations d’où émergent des personnages plutôt que des programmes politiques distincts. Si McCain peut critiquer certains aspects de la politique de Bush, y compris en Irak, comme il l’a fait récemment, ce dernier critique la mollesse des démocrates contre « les terroristes ». Si McCain est pris dans les contradictions du changement dans la continuité, les démocrates s’empressent, de leur côté, de reprendre le thème de la « guerre contre le terrorisme ». Obama ne rejette pas seulement les déclarations indéfendables du son ancien mentor, le pasteur Wright, il affirme que le racisme que décrit ce dernier n’existe plus. C’est pourtant un peu du fait de son visage et malgré ses paroles, que certains soutiens d’Obama voient en lui le président du changement. Dans une situation si dure, une société si divisée en fonction des couleurs de peau et du statut migratoire, il est vrai que son élection serait un événement. Mais il ne faut pas sous-estimer le racisme existant aux États-Unis, y compris dans cette élection, et Hillary Clinton joue sur les pires tensions de la société quand elle insinue que sa victoire à la primaire empêchera les Blancs démocrates de voter McCain.
Si les chances d’Hillary Clinton semblent désormais nulles, cela ne doit pas occulter le temps long qu’il aura fallu pour dégager un résultat dans ce processus. C’est un signe de plus de la grande incertitude qui règne alors que les deux partis tentent d’ajuster leur politique au bilan et aux effets persistants des mandats de Bush. La campagne d’Obama suscite sans doute le plus d’espoir de « changement ». À supposer qu’ils le portent à Washington, celles et ceux qui luttent aux États-Unis devront saisir l’occasion de transformer cet espoir en révolte et en revendication collective indépendante.
De Chicago, Simon Marceau