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Chicago : Une occupation exemplaire

lundi 22 décembre 2008

Les 240 ouvriers de l’usine Republic Windows and Doors, à Chicago (Illinois), ont suivi une grève avec occupation – une forme de lutte rare aux États-Unis – durant six jours, en réaction à leur licencie­ment. Ils ont finalement obtenu gain de cause.


Rouge n° 2279, 18/12/2008


En décidant d’occuper leur usine, immédiatement après l’annonce de leur licenciement, les ouvriers de l’usine Republic Windows and Doors (bâtiment), à Chicago (Illinois), se sont mis en position de force vis-à-vis du patron et des propriétaires de l’usine, les contraignant à payer des indemnités de licenciement économique. Cette occupation, avec arrêt de la production, est un événement rare aux États-Unis, où les grévistes font en général des piquets de grève sans chercher à arrêter la production.

En quelques heures, la grève, en pleine crise économique, a eu un écho médiatique important, y compris au niveau international. Des messages de soutien sont arrivés du monde entier. L’entrée de l’usine a été le siège de nombreux meetings de solidarité, avec la participation de responsables et de militants syndicaux, politiques et même religieux. Grâce à cette lutte, les médias, en général hostiles aux grèves, ont dû expliquer comment la Bank of America avait coupé les crédits à l’entreprise, alors qu’elle venait d’empocher 25 milliards de dollars, payés avec l’argent des contribuables, dans le cadre du plan Paulson. Cette publicité gênante a obligé les hommes politiques et les banquiers à faire pression sur le patron de l’entreprise, pour qu’il mette fin à la grève.

La lutte est une victoire, car les ouvriers ont obtenu, en moins d’une semaine, 2 millions de dollars d’indemnités, alors que les banques n’étaient pas dans l’obligation légale de payer. Habituellement, dans un cas similaire, les salariés doivent attendre des années avant de pouvoir toucher des indemnités – parfois même, ils ne touchent rien du tout. Cette grève a montré le rôle clé que jouent les travailleurs immigrés dans le mouvement ouvrier américain. La très grande majorité des salariés de l’entreprise est d’origine latino-américaine et la plupart est immigrée. Dans une atmosphère où les immigrés sont de plus en plus harcelés et menacés d’expulsion, ces travailleurs ont choisi de prendre de grands risques pour défendre leurs intérêts. Les grandes manifestations contre les lois sur l’immigration, ces dernières années, leur ont donné confiance.

Cette lutte a montré que le syndicalisme de classe est au cœur de tout renouveau envisageable pour le mouvement ouvrier américain. Leur syndicat, United Electric, syndicat radical et massif durant les années 1930, a vu son influence diminuer à la suite de la chasse aux sorcières menée par les anticommunistes. Aujourd’hui, les salariés se sont réapproprié cette organisation. Elle ne comporte que 35 000 membres, mais elle pratique un syndicalisme démocratique et combatif. La démocratie à la base, mise en œuvre par la branche locale de ce syndicat, a été efficace et elle aura un impact sur le reste du mouvement ouvrier. ■

De Chicago, Lee Sustar, traduit par Jack Radcliff