Prenant le relais du député Lebel du Bloc québécois qui avait dénoncé le projet d’entente avec les Innus, Parizeau stigmatise le projet, utilise tous les épouvantails possibles : "saga du charcutage" du territoire du Québec, ouverture au partitionnisme, prise en considérations de "revendications fantaisistes", soit celles des autochtones en général et des Innus en particulier. Il reprend à son compte la menace de Trudeau : "Le Québec peut péter lui aussi". Enfin, ce projet d’entente, en faisant référence à la constitution de 1982, que les gouvernements du Québec n’ont jamais reconnue, constituerait une reconnaissance de facto de cette constitution. De plus, Parizeau insiste à plusieurs reprises sur la petitesse numérique des communautés autochtones afin de délégitimer l’importance de leurs revendications. Selon Louis Bernard, l’intervention de Jacques Parizeau est marqué par des inexactitutes, des exagérations et des silences. (Le Devoir, jeudi le 29 août 2002) L’essentiel pour Jacques Parizeau, c’est d’abord de faire dérailler la démarche entreprise et rien d’autre.
Son modèle des rapports avec les autochtones est la Convention de la Baie James de 1977 avec les Cris qui visait à l’extinction des droits ancestraux. C’est une conception qui cherche ni plus ni moins qu’à faire accepter un renoncement aux revendications nationales qui mettraient fin à un rapport d’oppression. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le droit à l’autodétemination, Parizeau le réclame pour le Québec, mais qu’il le méprise souverainement lorsqu’il pourrait s’appliquer aux Autochtones. L’entente ne le reconnaît pas explicitement, et l’interprétation qui peut en être donné, peut aller dans un sens de l’extinction des droits, mais le projet d’entente reconnaît malgré tout une certaine autonomie.
Jacques Parizeau, quand il veut convaincre et bousculer, ne fait pas dans la nuance, il affirme tout bonnement "que le projet d’entente reconnaît que les quatre communautés Innues ont des droits territoriaux sur le sixième des territoires québécois" sans faire de différence entre des droits d’utilisation et des droits de propriété. Les revendications fantaisistes, ce ne sont pas celles des autochtones, ce sont celles que Parizeau fabrique de toute pièce pour mieux les discréditer. Aucune nation autochtones ne réclame la propriété absolue de toutes les terres qu’elles utilisaient avant l’arrivée des colons européens. Comme l’écrit Bernard Cleary, en réponse à cette intervention de Jacques Parizeau : "Parizeau a-t-il oublié que le gouvernement du Québec a cédé beaucoup plus de terres aux compagnies forestières qu’il ne le fera jamais pour les Premiers peuples. Et cela, il semble peu s’en soucier." (Le Soleil, vendredi le 30 août 2002)
Et c’est bien là l’essentiel. Ce que craint dans le fond Parizeau et cie, c’est que la notion qu’avancent les négociateurs autochtones de co-usufruit sur les territoires ancestraux pourraient entraver les objectifs de la grande propriété et du gouvernement sur Québec dans l’exploitation des richesses naturelles et de l’énergie à leur gré.
Il s’offusque de la liste "impressionnante" concernant le droit de gouverner : activités traditionnelles, langue et culture mais aussi, l’éducation primaire, secondaire, des adultes et professionnelles, les organismes de santé, la sécurité du revenu, l’environnement sur le territoire Innu … Le moins que l’on puisse dire qu’il s’agit là de la pensée marquée par le deux poids deux mesures.
Enfin, il propose de mettre de côté l’entente, "de reporter toute décision de quelques années espérant que d’ici là on puisse repartir sur l’autres bases". En fait, il propose une politique de fermeture, d’utiliser les vieilles stratégies éprouvées de faire traîner sans fin les négociations alors que sur le terrain les peuples autochtones continuent à vivre l’oppression et à voir leurs conditions d’existence se détériorer. Comme nationalisme étroit, on ne peut guère espérer mieux. C’est la même logique que la logique que celle qui attribuait la défaite du référendum aux "ethnies". C’est la même logique qui bloque toute perspective de front uni des nations opprimées contre l’État canadien oppresseur. C’est une logique qui est à la source de la crise stratégique de la lutte du Québec contre sa propre oppression nationale.