Qu’est-ce qu’une constitution, qu’est-ce qu’un problème constitutionnel ?
Dès qu’il est question de constitution et de souveraineté du Québec, beaucoup d’esprits se ferment à toute discussion. On comprend pourquoi après 50 ans de débats constitutionnels kidnappés puis soigneusement rendu incompréhensibles par des experts. Un débat lourd qui tourne en rond, non seulement à cause d’un manque de pédagogie alimentée par la langue de bois d’une partie de la classe politique, mais aussi à cause de sa nature même. Revenons à l’essentiel.
Qu’est-ce qu’une constitution ?
C’est la loi fondamentale d’un pays. Et qu’est-ce qui distingue une loi d’une loi fondamentale ? C’est que la loi fondamentale marque toutes les lois et dispositions juridiques édictées dans un pays. Elle agit comme une force déterminante sur le caractère de ces lois ( à qui s’applique cette loi, qui détient la responsabilité de son application, quel mécanisme définit les possibilités de son abrogation, quelle instance juridique peut l’invalider et la défendre...) La force déterminante de la constitution n’est rien d’autre les rapports de forces réelles existant dans une société donnée.
Les lois expriment des rapports de forces sociales. Il faut donc changer la réalité pour changer les lois (et non l’inverse) afin que des normes nouvelles reflètent la réalité transformée. Faire une constitution : c’est inscrire des rapports de force réels dans un texte précis. C’est ainsi que l’Acte de l’Amérique du Nord britannique était l’expression des grands entrepreneurs qui voulaient transformer les colonies britanniques d’Amérique du Nord en pays, en un marché unifié. La nation canadienne-française n’a pas été consultée à ce propos. Les nations autochtones et métisses n’ont eu droit qu’à la spoliation. Seules les élites canadiennes-françaises liées aux grands patrons du Haut et du Bas-Canada ont eu droit au chapitre, comme partenaires minoritaires et subordonnés.
D’où est venu cet accord des politiciens fédéralistes d’ouvrir des discussions constitutionnelles dans l’État canadien durant les dernières décennies du XXe siècle ?
C’est qu’il s’est produit un changement dans les rapports réels des forces en présence. Sans aucun changement de cet ordre dans les rapports réels des forces dans une société comme la société canadienne, il aurait été inimaginable et impossible que cette société sentît le besoin d’une nouvelle Constitution. Cet accord reflétait la nécessité de faire face à la montée du mouvement indépendantiste qui remettait potentiellement en cause l’intégrité de l’État canadien. Il s’agissait pour les uns (les trudeauistes) de renforcer la stratégie de « nation building » canadienne pour tenter d’écraser définitivement le mouvement indépendantiste et pour les autres (le courant du beau risque Mulroney-Bouchard) de fournir certaines concessions aux aspirations québécoises afin d’affaiblir la remise en question de l’intégrité de l’État canadien.
La réforme de la constitution en 1982 reflétait pour sa part une victoire importante du fédéralisme sur le mouvement souverainiste suite à la défaite du référendum de 1980. Là encore, cette constitution a été faite sans que jamais le peuple du Québec n’ait donné son aval à cette constitution. Ce qui n’empêche cette dernière de régir la légalité du fonctionnement de l’État canadien. La constitution canadienne reflète le rapport de force existant dans cette société.
QUELS SONT LES AXES DE NOTRE STRATÉGIE DE LUTTE POUR L’INDÉPENDANCE DU QUÉBEC ?
Malgré le fait que le Parti Québécois ait adopté un mode de gestion néolibérale, séparant le social du national et a réduit au minimum l’expression de la souveraineté populaire dans le cadre de la lutte pour la souveraineté, il reste que l‘indépendance du Québec demeure une des aspirations les plus puissantes encore aujourd’hui. Cette aspiration nourrit une crise de légitimité du fédéralisme canadien et de son État. Cette une crise historique et culturelle qui permet de poser la nécessité d’une nouvelle société construite sur d’autres valeurs et d’autres institutions politiques. Elle permet de faire les liens entre les questions sociale, nationale et démocratique et permet d’enrichir l’expression de la majorité de la population. C’est cette situation qui donne à la perspective de constituante tout son sens. Mais pour que la constituante puisse se concrétiser, il faut non seulement l’enracinement et la prise du pouvoir par un parti de gauche, mais également que les luttes citoyennes puissent se développer, se centraliser et se politiser pour nourrir chez la majorité de la population la volonté et le sentiment de la nécessité d’une redéfinition globale de cette société aux plans national, social et démocratique. Pour œuvrer à cette perspective, il faut définir notre stratégie autour de 3 axes essentiels :
a. Élargir de la démocratie citoyenne, c’est prendre les moyens de s’opposer à la crise de légitimité du politique produit de l’offensive néolibérale visant à remettre en cause les acquis sociaux et les droits démocratiques de la population.
Élargir la démocratie citoyenne c’est favoriser l’initiative populaire et construire des mécanismes permettant d’exiger des comptes des élu-e-s ; c’est réformer le mode de scrutin afin d’introduire une représentation proportionnelle et l’égalité des genres au niveau de la représentation ; c’est établir des élections à date fixe ; c’est réformer les institutions afin d’établir une séparation véritable des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, c’est décentraliser afin d’élargir le pouvoir citoyen.
L’élargissement de la démocratie citoyenne est directement lié à la lutte pour l’indépendance du Québec. Tant que la constitution canadienne sera la loi fondamentale réglant le fonctionnement des institutions politiques, on ne peut espérer que le Québec disposerait des marges de manœuvre nécessaires permettant cet élargissement de la démocratie citoyenne.
Il y a ici aucune théorie des étapes... La souveraineté nationale ne précédera pas les réformes démocratiques comme le prétend le Parti québécois et qui à partir de cette base rejette tout soutien sérieux à la réforme du mode de scrutin par exemple. Par contre, il y a aura pas de souveraineté populaire du peuple québécois sans le rejet de la constitution canadienne. Ce sont là des luttes étroitement liées.
b. articuler de la lutte indépendantiste et à notre action pour société égalitaire, féministe, pacifiste et écologiste
La gestion néolibérale des divers gouvernements péquistes a identifié la souveraineté aux yeux d’un grand nombre de Québécoises et de Québécois au néolibéralisme. Un gouvernement de Québec solidaire comme le manifeste ses engagements agiraient concrètement pour identifier son soutien à la souveraineté à un soutien à une société démocratique, égalitaire, écologiste, féministe et pacifiste. C’est ce que nous voulons faire d’un Québec souverain qui donnera son potentiel de mobilisation à la lutte pour la souveraineté permettant de construire une majorité agissante autour de cet objectif.
c. placer la souveraineté populaire au centre de notre démarche – c’est au peuple de décider de l’organisation des institutions politiques qu’il veut se donner et c’est là tout le sens de l’assemblée constituante.
Dans son projet de loi 1 sur l’avenir du Québec, le Parti québécois ne faisait aucune place à une démarche de souveraineté populaire véritable. Au mieux, le Parti québécois confie à une commission parlementaire spéciale sous son contrôle l’élaboration d’une éventuelle constitution. Les citoyens et les citoyennes du Québec n’ont que le droit d’appuyer ou de rejeter ce qui va être produit par d’autres. Lier la souveraineté du Québec à la souveraineté populaire c’est le véritable moyen de faire œuvre démocratique. Ce n’est pas seulement la ratification qui est l’affaire de tout le peuple, mais c’est également sa préparation et sa rédaction. C’est pourquoi Québec solidaire propose l’élection d’une Assemblée constituante élue au suffrage universel direct, réalisant une représentation égalitaire de genre, accompagnée d’une vaste consultation populaire culminant dans un référendum de ratification. C’est là proposer une alternative véritable.
Pour nous épanouir, pour maîtriser notre destin, pour vivre en français, pour mener à terme notre projet politique, écologiste, démocratique, économique, culturel et social, le peuple québécois doit maîtriser tous les pouvoirs que donne la souveraineté. Comment y arriver ? Grâce à la mise sur pied d’une assemblée constituante. Il faut nous tourner vers le détenteur de la souveraineté, le peuple du Québec, pour le convier à faire ce qu’il a été privé de faire depuis toujours : discuter, rédiger et voter sa propre loi fondamentale.
Voilà pourquoi nous vous proposons aujourd’hui qu’après l’élection d’un gouvernement solidaire, une loi soit adoptée pour mettre sur pied une constituante chargée d’organiser des débats au sein de la population québécoise, d’élaborer une constitution et de préparer un référendum portant sur cette constitution et sur l’avenir politique du Québec.
Ce que n’est pas une constituante ? Ce n’est pas la réunion de notables et/ou de spécialistes en vue d’écrire la loi suprême du pays. Ce n’est l’instrument de l’instauration d’un pacte social qui ferait fi de la distribution inégale distribution des richesses et de l’asymétrie du pouvoir.
Qu’est-ce qu’une constituante ? Il s’agit d’une assemblée d’élu-e-s au suffrage universel et proportionnel, transpartisan, inclusif des courants qui traversent la société québécoise, qui reçoit le mandat d’écrire la loi fondamentale du pays, la constitution du Québec. Les intérêts divers et les visions contradictoires sur l’économie, la société, la démocratie s’y confrontent donc. Autrement, elle exprime un certain rapport de forces sociales. Par conséquent va s’y confronter un processus d’affirmation citoyenne visant l’indépendance d’un Québec égalitaire et démocratique et un processus visant le maintien de la domination fédéraliste et de la défense des privilèges. L’appel de la constituante suppose donc un processus de mobilisation et d’organisation populaire visant la participation sociale la plus large au travers une consultation permanente, l’élaboration de propositions et le contrôle sur ses décisions. Sa réussite nécessite une accumulation des forces du camp populaire, visant à améliorer les rapports de forces en vue de faire de l’Assemblée constituante une Assemblée démocratique et populaire.
Mais, avant d’entreprendre cette écriture, l’Assemblée constituante, dotée du budget nécessaire, sera le foyer d’animation d’un vaste débat de société sur l’avenir politique du Québec. Nous prendrons les quelques années nécessaires pour approfondir une large mobilisation citoyenne. L’Assemblée constituante sera le lieu de synthèse de cette réflexion qui doit aboutir par un projet de Constitution que le peuple adoptera par référendum. Québec solidaire propose donc au peuple québécois d’exercer sa souveraineté en paroles et en action dans un débat qui est l’un des plus importants de tous.
Au sein de cette démarche, les forces politiques qui ont déjà choisi l’indépendance comme objectif, feront tout naturellement la promotion de leur orientation. Il en sera de même pour toutes les forces politiques et sociales du Québec. Mais cette fois, l’aboutissement ne sera pas de confier le mandat a un gouvernement de négocier, mais bien d’adhérer ou pas à un projet de Constitution et à un pays souverain.
Les questions auxquelles sera confrontée la constituante
La perspective de constituante exprime la volonté de mettre fin à la concentration et à la privatisation des pouvoirs dans toute la société et d’organiser la diffusion et le partage de ces pouvoirs dans tout le corps social. Nous pensons que cette volonté exige le maximum de démocratie participative expression moderne de la souveraineté populaire.
Une constitution souverainiste, confédérationniste ou autonomiste ?
Pour notre part, nous croyons que pour assumer la défense de la souveraineté populaire, qu’il faille rejeter la souveraineté de l’État canadien sur le Québec. Il faut accepter que la souveraineté populaire (et une éventuelle assemblée constituante qui recevrait ce mandat) puisse décider de tous les pouvoirs que devrait avoir l’État du Québec. Il faut que la souveraineté populaire ne procède que du peuple comme cela devrait être le cas dans toute démocratie véritable.
Une constitution fondée sur quels droits ?
• Quels droits individuels et quels droits collectifs faut-il reconnaître ?
• Quelle déclaration (charte des droits fondamentaux) ? Comment établir le contrôle étatique et social de la richesse nationale ? Des droits pouvant être défendus devant les tribunaux ?
Quels rapports établir avec les nations autochtones ?
● Comment établir des rapports égalitaires ?
● Quelle démarche proposée à cette fin ?
Quelle implication citoyenne dans les institutions politiques de l’État ?
● Quel type d’initiative populaire ?
● Quel système électoral ?
● Comment réaliser l’égalité de genre au niveau politique ?
● Comment assurer le rapprochement des citoyennes, des citoyens et des élu-e-s et assurer le respect des mandats ? Quelle durée des mandats ?
● Quelle information sur les affaires publiques ?
Quelles institutions politiques ?
● Quel régime (républicain) ? Quelle conception de la présidence ?
● Comment penser l’organisation des pouvoirs
● Comment assurer le contrôle de l’exécutif par l’assemblée des élu-e-s (et non l’inverse) ?
● Comment assurer l’indépendance de la justice ? Et l’accessibilité à la justice ?
Qu’est-ce qu’une décentralisation solidaire ?
● Comment défendre la solidarité nationale et la volonté collective nationale dans la cohérence des politiques suivies tout en permettant aux collectivités de prendre en charge les activités pouvant être gérées par sa population ?
● Comment assurer le fonctionnement transparent et démocratique ?
Quelle démocratie au-delà des institutions directement politiques ?
● Quelle démocratie dans l’économie ?
● Quelle participation de la population aux choix économiques ?